Isis arrive près de l’école sur une belle monture blanche du nom d’Orphée. Elle tient contre elle un nourrisson emmailloté qu’elle porte en écharpe. Cette méthode est plus commode pour le transport et lui permet de le garder tout près d’elle. Il ne fut pas évident d’arriver ici dans ces conditions. Une mère célibataire, qui voyage en terre hostile, nombreux sont ceux et celles qui l’ont pris pour folle mais quoiqu’ils en disent, elle sentait qu’elle devait le faire.

Lorsqu’elle met pied à terre devant les lourdes et imposantes portes de Cairn, Isis pousse un soupir et regarde avec attention son enfant qui semble dormir paisiblement. Elle se demande si ce lieu est celui qu’elle recherche, si ici on acceptera une femme et son enfant, si elle retrouvera des Daimosiens et si… Toutes ces questions tournent dans son esprit, et la déstabilisent, la faisant chanceler. Elle laisse Orphée à l’extérieur, dans un endroit prévu à cet effet. Des elfes de maison ont tôt fait de venir récupérer la jument pour l’emmener jusqu’aux écuries.

Elle s’approche plus près de l’entrée et gravis les blanches marches la menant sur le seuil. Les larges portes massives s’ouvrent d’elles même, sur un nouvel univers dont Isis ne sait presque rien. Elle avance vers l’accueil et l’animation des tableaux la rassure un peu, lui rappelant des couloirs et le bureau du directeur de Daimos. Elle espère que les gens seront tout aussi accueillants. Surprenant de la part d’Isis qui d’ordinaire ne tient compte de rien, mais c’est une jeune femme épuisée et perdue qui fait son entrée dans le monde de Cairn. La perte d’Ange et Magoa, a ébranlé sa détermination et la voix du chaos qu’elle poursuivait en tant que prêtresse.

Une fois arrivée devant l’accueil elle serre son enfant contre elle et attend que quelqu’un vienne à sa rencontre.

Daniel avait quitté son poste quelques secondes… -pourquoi était-ce toujours en ces moments qu’un nouveau débarquait !- Encore des points en moins pour lui, si le chef des elfes de maison l’apprenait. Lorsqu’il repasse par le hall et laisse cette idée traverser son esprit, il se blase un instant, une tasse de café en main.
Rejoignant son bureau avec un demi sourire en coin retrouvé, il ne quitte pas la jeune femme des yeux et attend quelques instants avant de s’asseoir. Ses iris dérives plus bas sur un nourrisson emmailloté. La surprise se lit un moment sur ses yeux qui papillonnent sous quelques interrogations sans réponses.
Déliant ses lèves, il reporte ses iris sur la nouvelle venue et lui demande d’un ton calme :

« Bienvenue à Cairn, je suis Daniel, le majordome de cet endroit. Puis-je vous aider ? »

Indiquant d’un geste de sa main libre un siège pour la ‘mère’, il prend place à son tour dans le plus grand silence.

Isis regarde l’homme entrer dans la salle et passer derrière le bureau, elle comprend donc qu’il s’agit là du majordome. Les battements de paupières de Daniel ne passèrent pas inaperçu. Isis respira calmement en réponse à la surprise de l’homme. Elle jette un coup d’œil rapide sur son fils qui semble toujours dormir. Cela la rassure et la met un peu à l’aise. Oui certes, il est peut être peu commun de voir des enfants en bas âge dans ce genre d’école, après tout ce ne sont pas des crèches ou des garderies mais bon… Que peut-elle faire d’autre ? Il va bien falloir trouver un travail, un toit… une situation en bref, et la magie n’aide pas forcément à s’insérer socialement, elle peut être bien souvent perçue comme un handicap. Vivre sur ses économies va un temps mais lorsqu’il n’y aura plus rien, il n’y aura plus rien et là ce sera peut être la fin.

Isis accepte l’offre de Daniel lorsque celui-ci lui propose de s’installer dans fauteuil. Elle se laisse choir sur le siège et desserre son étreinte sur l’enfant. Elle le regarde et relève ensuite ses yeux sur Daniel. A la question : Puis je vous aider ? Isis acquiesce de la tête sans réfléchir. Mais à cet instant là, elle se demande comment elle va expliquer la situation et s’il y a de l’espoir qu’elle reste à Cairn.

Daniel reste un instant interdit face au silence de la demoiselle… Ne peut-elle s’exprimer ? Problème physique ? Magique ? Un haussement de sourcil marque son étonnement. Le majordome croise alors ses doigts sous son menton et reprend :

« Expliquez-moi donc votre but sans crainte, vous êtes dans un établissement d’accueil et d’apprentissage, il ne vous sera fait aucun mal à vous et à… votre enfant ? »

Reportant quelques instant ses iris claires sur le nourrisson il en revient à la jeune femme :

« Je vous en pris, exprimez-vous librement, le hall est libre en cette heure, mais si vous souhaitez un endroit plus restreint, je peux vous en trouver un. »

Un sourire confiant s’esquisse sur ses lèvres, alors qu’il appuie d’avantage son menton sur ses doigts entrelacés.
Il y avait certes déjà eu quelques élèves et membres dans les archives de Cairn venus avec un enfant en bas âge et l’établissement avait réussi à les placer… La difficulté ne s’était pas encore présentée au majordome, malgré ses quelques petites années de service.

Daniel semblait lui accorder toute son attention, cela la rassura. Se sentir écouter était déjà quelque chosé de bien, au point que ses yeux semblaient se chargé d’humidité. Elle se reteint devant cet inconnu et tenta de se rassembler un peu.

Daniel l’encouragea à se lancer dans la conversation et sembla lui poser une question sur son enfant. Isis confuse ne savait pas par où commencer donc elle fit simple. La voix légèrement étranglée elle délia pour la première fois ses lèvres devant le rassurant majordome.

«Voilà ! Je m’appelle Isis Faéry et voici mon fils Terendil. Ce petit démon à 10 mois ! »

Elle présenta son fils en l’inclinant vers Daniel afin que celui-ci puisse voir son visage.

« Je cherche un emploi et un toit. J’étais étudiante à Daimos il y a quelques temps déjà. Je suis venue voir s’il n’y aurait pas un emploi à tout hasard. »

Voilà un premier pas fait pour elle, il reste tous de même des détails importants à aborder sur Terendil. Elle pousse un soupir et baisse un peu la voix sans s’en rendre compte.

« Il commence à… Erff ses pouvoirs commencent à se développer et donc je ne peux pas me permettre de… Il faut que je sois prudente en présence de personnes normales ! »

Petit démon ? Expression ou… Le majordome reste perplexe quelques secondes, battant de cils sous les interrogations qui font foule dans son esprit. Ecoutant avec attention la jeune femme qu’il sent affectée, il reste assit sur son siège et laisse un regard descendre sur l’enfant, plus âgé apparemment qu’il ne pouvait le penser… A la demande de la demoiselle, il répond d’un ton calme, marquant une légère hésitation quand aux mots à choisir :

« Hé bien je… Cairn s’est proposée d’accueillir les réfugiés de Daimos. Nos avons parmi-nous quelques membres de cette défunte école. Si vous désirez rester ici vous en avez le droit, le nécessaire vous sera fourni… à vous et à votre enfant.
Si vous cherchez un travail je peux vous proposer la cafétéria. Actuellement ce sont les elfes de maison qui s’en chargent et quelques élèves se relaient, mais nous manquant d’un membre à tant plein. Accepteriez-vous cet emploi ? A moins que notre bibliothécaire ait besoin d’aide, et je n’en douterais pas, nous possédons de larges raillons.»

Se penchant légèrement vers son bureau d’un mouvement du menton, il fronce les sourcils avec compassion, malgré ces questions qui lui turlupinent l’esprit.

« Qu’entendez-vous par petit démon. Votre enfant serait-il déjà en train de développer certaines capacités dangereuses pour notre entourage ? Nous avons quelques professeurs et un médecin, qui éventuellement pourraient vous aider à calmer quelques ardeurs incontrôlées à cet âge. »

Le discours de Daniel venait de la rassurer complètement, le fait de ne pas être juger, de ne pas être perçu comme une mère coupable. Elle ne pu retenir un soupir de soulagement. Ses épaules tombèrent, la tension dans son corps se libéra et elle afficha un joli sourire timide. Elle se sentait presque délivré d’un poids. « Les réfugies de Daimos »… Oui elle en faisait certainement partie même si elle ne se voyait pas comme telle.

Lorsque l’homme lui proposa un poste à la cafétéria, son sourire s’élargit un peu plus laissant la blancheur de ses dents apparaître. Daniel par ses paroles lui redonnait le moral, elle percevait l’école de Cairn comme salutaire à présent.

« J’en serais ravie, je peux aussi donner des cours de potions ou sur les plantes… J’étais très douée à Daimos, cela faisait partie de mes majeures. Mais la cafétéria me va très bien rassurez vous, tout autant d’ailleurs que la bibliothèque ! J’étais du genre studieuse voyez vous ?!»

Isis se réjouissait, sa voix n’était plus serrée, ses joues pales venaient de rosir. Cela dura jusqu'à ce que Daniel aborde le sujet délicat de Terendil. Elle avait appelé démon elle-même, mais elle n’y voyait rien de péjoratif là-dedans. Il lui fallait à présent expliquer la situation, c’était important pour Cairn effectivement.

« Terendil n’est qu’un bébé mais voyez vous il a hérité des pouvoirs qui m’ont été octroyé en choisissant de servir… »

Elle ne savait comment qualifier Magoa pour ne pas faire peur au majordome, de ce fait elle prit un temps pour trouver ses mots.
« Un dieu disparut aujourd’hui ! Mais à présent, ces pouvoirs que je ne maitrise plus, semblent être passé en lui lors de ma grossesse… Du moins c’est ce que je présume, ou plutôt ce que je redoute. »

Avec soin, elle démaillota son enfant et montra à Daniel les deux minuscules ailes noires naissantes dans le dos du petit.

« Je ne sais pas trop ce dont il est capable et quels sont les dons qu’il possède. Mais ses yeux virent parfois au noir et j’ai peur qu’il possède le pouvoir de l’antimatière. Je ne pensais pas que ces pouvoirs pourraient s’activer si tôt mais croyez-moi je ne suis pas du genre à m’en faire pour rien. J’ai bien essayé de sceller les pouvoirs du petit mais sans succès. Je ne pense pas maitriser ce genre de sortilège… »

Voilà, l’essentiel était dit, enfin plus ou moins, mais elle ne voyait rien à ajouter pour l’instant, rien qui ne lui vienne à l’esprit.

Daniel écoute avec attention la jeune mère devant lui et recroise ses doigts sous son menton. Un léger sourire flottant sur ses lèvres il ne tarde pas à lui répondre :

« Nous vous donnerons une salle de cours si vous souhaitez y faire quelque chose de constructif pour nos élèves. Sinon, la bibliothèque vous est ouverte. Si vous souhaitez une liste des élèves venant de Daimos pour vous rassurer auprès d’anciennes connaissances, je peux me renseigner ? »

Le majordome hausse un sourcil derrière ses lunettes de lecture et reprend d’un air plus sérieux encore :

« Pour ce qui est du sors de votre enfant, certains professeurs ici pourront se mettre à votre disposition si vous avez besoin d’aide. Cependant… si votre enfant venait à devenir une menace pour Cairn, nous ne pourrions le garder en notre sein. Ici, nous sommes un refuge et un lieu d’apprentissage, nous connaissons déjà trop de problèmes extérieurs pour que l’instabilité nous frappe en notre intérieur. J’en suis navré.»

Plissant le regard en une expression démontrant son trouble pour la jeune femme, il ajoute enfin :

« Qu’appelez-vous… pouvoir de l’antimatière ?... J’ai pas vraiment suivit les cours dans cette école, herm… je ne suis pas bien calé en sortilèges et tout ce qui s’y rapporte, alors si vous pouviez me le détailler pour que j’en fasse un rapport ? »

Isis esquissa un sourire lorsque Daniel évoqua une salle de cours. Rendez vous compte, son premier travail sérieux et qui plus est, la possibilité d’enseigner ce qu’elle sait et connaît de la magie. Etre au contact des élèves, des professeurs, du personnel l’enchantait réellement et la perspective de transmettre un savoir encore plus. Isis commençait à voir en Daniel un éventuel sauveur, une possible confiance et peut être un soutien durant sa phase de reconstruction. Elle s’empressa de répondre avec enthousiasme :

« Je serais ravie d’enseigner ici, si vous avez besoin de mes compétences en magie ! »

Quant au sujet des Daimosiens, elle ne savait pas trop. Elle avait dejà conscience que l’image qu’elle renvoyait d’elle à l’instant T n’était pas flatteuse, et ne lui ressemblait pas trop, du moins elle n’avait rien à voir avec la jeune fille quasi-indifférente et plus ou moins sûre d’elle qu’elle était jadis.

« Pour les anciens élèves de Daimos, hummm, je ne pense pas que leur liste soit utile. Nous verrons bien ce qu’il adviendra. »

Elle s’était tellement peu préoccupé d’eux, qu’elle n’était même pas sûre de pouvoir les reconnaître et se faire reconnaître tout autant. Elle s’était déjà peu mêler à eux à cette époque, elle préférait laisser les choses se faire et puis qu’aurait-elle à leur dire ?

Son sourire se dissipa au fur et à mesure de la conversation. Le sujet de Terendil était un sujet épineux, elle comprenait parfaitement la situation. Logiquement les individus ont besoin de mana, ou énergie magique ou que sais-je pour faire fonctionner leurs pouvoirs, il faut ensuite savoir la canaliser pour émettre la moindre petite magie. En ce sens Terendil n’était pas vraiment dangereux mais le fait de montrer des signes… N’était pas rassurant surtout sur l’antimatière. Isis se lança dans les explications, accrochez vous, c’est pas évident.

« Je comprends votre peur mais si les pouvoirs sont scellées tout seras pour le mieux, si rien ne marche alors je partirais… L’antimatière c’est... Comment expliquer… le nom parle de lui-même, cela détruit la matière mais pas l’essence. C’est un pouvoir négatif. Une sphère noire dans laquelle tout disparaît sauf l’âme, sauf l’essence, la présence reste… Je ne sais pas si vous comprenez. Un sors de résurrection des chairs ou de soin, une magie positive seule peut rétablir la situation. Je prends un exemple, on détruit l’envellope charnelle qu’une personne, il ne restera qu’un fantôme, son corps disparaît mais son âme reste… Vous voyez ? »

Isis soupira, c’était tout de même un long discours. Elle marqua une pause puis reprit, insistant sur le point suivant.

« Je n’ai jamais manipulé l’antimatière à haut niveau, jamais vu d’homme dispraitre en réalité mais en théorie c’est ainsi que cela fonction, comme c’est une magie negative, il n’y a qu’une magie positive pour la contrer… Lorsque je la manipulais je n’ai réussi qu’a infliger des blessures minimes, c’est un peu honteux, une petite boule de 1 cm… »

A cet instant là, Isis s’empourpra de gène, c’était si aberrant pour une prêtresse. A l’époque elle en était assez fière mais aujourd’hui elle trouve cela légèrement ridicule à son âge. Elle continua :

« Ce qui est sûr c’est que tant que la plaie n’est pas soignée elle reste, elle ne saigne pas mais elle reste… »

Isis regarda Daniel dans les yeux, espérant ne pas être prise pour une folle farfelue, surtout maintenant qu’elle n’avait plus accès à ce pouvoir. Ce qui voulait dire pas de démonstration possible.

Daniel cille à plusieurs reprises et rapidement, sous la déclaration qui lui est fait. L'enfant était en possession d'un sacré don, effectivement.

"Hé bien je... j'espère alors que votre enfant ne sera pas trop capricieux"

Il laisse un nouveau sourire légèrement amusé s'étirer sur ses lèvres, cherchant autant à se rassurer qu'à tranquilliser la mère.

« Bon… je vais vous faire faire une chambre, pour vous et votre enfant. Si vous avez besoin d’elfes de maisons, appelez-en ils viendront pour vous… ils sont là pour aider en toutes choses nos résidents. »

Prenant quelques notes sur un papier, il tinte légèrement une clochette au son léger et sans écho au milieu du grand hall vide. Un elfe de maison s’empresse alors d’arriver et se met à la disposition de la jeune femme et de son enfant. Se plaçant sur la pointe des pieds, il cherche déjà à voir le visage du petit sans indiscrétion, malgré sa timidité caractéristique.
Daniel redresse le visage une dernière fois et achève :

« Si vous avez besoin d’autres choses, n’hésitez pas non plus à venir me voir je serais ravi de vous aider. Sur ce bonne continuation et à la prochaine. Reposez vous bien.
Ha ! Et si vous avez faim, allé à la cafétéria… vous y trouverez tous le nécessaire pour vous et votre enfant. »

Isis observa la stupéfaction plus ou moins visible de Daniel. Elle comprenait, elle s’attendait même à pire et au final ses mots ne la surprirent pas. Elle répondit à cela :

« Je l’espère aussi mais je tacherais de l’éduquer au mieux… Je suis sûr qu’un environnement comme celui de Cairn lu sera bénéfique…»

Isis remercia le majordome, avec un signe de la tête incliné vers l’avant. Elle se sentait grandement soulagé par les nouvelles qu’il lui avait apportées. Elle baissa le regard sur son enfant qui dormait encore à poing fermé. Elle le serra contre elle un peu plus fort pendant un instant. Elle releva les yeux sur Daniel et lui donna un sourire en guise de remerciement.

« Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez et je tacherai de faire de mon mieux… Je m’en remettrais aux elfes de maison … »

Isis tourna le regard sur l’elfe de maison et lorsque celui-ci sembla essayer de voir l’enfant, elle hésita puis finit par le dévoilé un peu. Terendil se réveilla, ce mouvement lui déplut et il laissa échapper un petit bougonnement. Isis se leva, laissant ses voilages flottés dans son mouvement et berça doucement son petit garçon pour le rendormir. Elle prit congé pour suivre ensuite son guide.

« Je vais suivre cet elfe de maison. Je vous souhaite une bonne fin de journée ! »