La neige s’était déposée sur ses épaules et sa chevelure ambrée. C’est d’un geste bref et nerveux qu’il se débarrasse des froides étoiles agglomérées avant de pénétrer le hall de Cairn une nouvelle fois.
Détaillant l'entrée comme s’il eut été ici le jour passé, il s’avance vers le bureau du majordome, tapotant rapidement de ses doigts contre le bois vernis.

« Daniel… Bonjour.
J’aimerais… reprendre mon poste de médecin dans cette école. Il y a chez vous un imposteur d’un nom certainement similaire au mien… »

Reportant une attention perçante sur le secrétaire il reprendre, une ride de colère se marquant sur son nez :

« Apparemment mon absence ne vous a pas coûté chère… Mes affaires sont-elles toujours à leur place ? Ca fait bien deux mois voir trois que je suis absent, je veux savoir où est Fanellia, la serveuse de la cafétéria ! »

Le ton de sa voix est exécrablement tendu, et son regard ne trahit pas une seule seconde la haine profonde qui se maintient éveillée.

Le majordome était occupé à faire un petit nettoyage de son bureau… Trace de café sur lit de tasse… mouchoir usagé, encre coulée et séchée, feuille chiffonnée ! Allons bon ! Encore une occasion au sous-directeur pour lui crier dessus !
Sifflotant, en passant un dernier coup de chiffon avant de tout remettre en ordre, il relève l’attention sur une nouvelle entrée. Stoppant sa mélodie qui fait échos à un lourd silence, ponctué d’un pas rapide et lourd, il fixe son regard face à lui. Son attention s’écarquille en reconnaissant le médecin de Cairn, qu’il avait une seconde prit pour Monsieur Johnson.
Le corps voûté, le bras tendu en appui sur un chiffon stoppé dans ses mouvements, il délie ses lèvres et sans quitter l’homme qui grandit devant lui se laisse asseoir lourdement…

Une pluie de haine lui tombe dessus alors qu’il se fait de plus en plus petit sur son assise.

« Bé... Mon… Monsieur Raphaël ?... mais je… »

Bégayant, il sursaute sous la voix qui le reprend et ne sait où se mettre. Desserrant l’étreinte étouffante de sa paume contre le torchon, il inspire profondément en saccades et reprend en soupirant pour se détendre :

« Je suis navré Monsieur Angelo, nous avions remarqués votre absence, mais nous ne pouvions déplacer une armée pour vous chercher… Cairn est responsable de ses élèves avant tout et heu… Enfin… Vous aviez laissé vos affaires, j’avais supposé votre retour… aussi long soit-il…. »

Son excuse peu valable se marquait par un ton décroissant, s’étouffant sur la fin. Le silence retombe alors qu’il fixe son interlocuteur d’un air soumis :

« Fanellia ?...... Je… Mademoiselle Fanellia a disparu quelques temps après vous… Je dois… vous informer alors de sa mort. Un incident c’est produit à la cafétéria monsieur. Un évènement que Cairn n’aurait su prédire et éviter. »

S’activant à la suite il plonge dans ses dossier et se fige à une idée. Il avait bien cru voir monsieur Johnson à l’entrée de cette silhouette… Est-ce que cette personne… était l’imposteur en question ?
Ces iris se redressent lourdement sur le médecin, comme redoutant une ressemblance frappante.

Le regard flamboyant du médecin ne dévie pas une seule seconde de l’attention navrée du majordome. Comment osait-il lui répondre des arguments aussi peu valables !
Se penchant brusquement devant le bureau pour saisir par le col le secrétaire, il ramène son visage vers le sien de force et lui glisse entre ses dents serrées :

« Vous mentez ! De quel accident vous me parler ! Qui as tué Fanellia !! »

Ce nom résonne dans la haute coupole vide, laissant un silence plus pesant retomber entre les roches pâles qui les entour.
Il ne pouvait admettre… que le seigneur de Frost était revenu sur Terre… Par quel miracle ! Lui… qui s’était placé dans ce sarcophage pour éviter ce problème, avait-il échoué ? Quel sang avait attiré cette vermine aux côtés de Fanellia, quelle haine avait tué la femme qui l’avait réconcilié.
Resserrant sa bride qui avait légèrement relâchée, il reporte son regard dans celui du secrétaire :

« Où est celui dont le visage est semble au mien… quel nom porte l’ingrat qui a osé pendre ma place dans cette établissement. Je suis le Raphaël Angelo, l’unique !»

Relâchent brusquement le secrétaire il reprend :

« C’est autre n’est qu’un clone et il ne me prendra pas ma vie ! C’est un homme dangereux !»

Soudainement pris par le col, la crainte du majordome atteint un paroxysme avant de se changer en colère. Fronçant les sourcils, il plonge un regard répondant à celui du médecin dans le sien.
Sa main s’appose sur la paume serrée qui lui emprisonne la gorge et l’oblige à tenir une position plutôt désagréable.
Muet un temps, il finis pas empiété sur les paroles du médecin :

« Monsieur ! Ici pour l’instant c’est vous qui me paraissez dangereux !
Surveillé vos gestes et paroles, nous sommes dans une école qui n’accepte pas le conflit ! L’agressassions ne vaut pas un discours calme et posé ! »

Cherchant à se défaire, c’est finalement Raphaël qui le relâche et le laisse s’écraser au fond de son siège.
Reportant son attention sur lui, il replace son col et reprend :

« Fanellia et bien morte, je suis navré de vous l’apprendre! Plusieurs Elfes de maison ont été témoins de sa disparition à la cafétéria, il y a de cela quatre mois. Votre absence était effective depuis la matinée… par ailleurs. »

Refermant le regard, il ouvre un classeur et retrace de l’index quelques notes. Les pages se tournent vers le début et il ajoute :

« Voilà… j’ai les dates et je ne me trompe pas.
Voulez vous entendre les témoignages des créatures qui ont été en service ce jour. Où préférez-vous que je vous lise le rapport établis !»

Le ton sévère, il ne compte pas se laisser dominer aussi facilement, à la suite de la violence dont venait de faire preuve l’ancien médecin de Cairn !

« Votre remplaçant… s’appel Jérémy Johnson et il travail actuellement avec un certain Aron Hester. Il n’a jusqu’à aujourd’hui été l’auteur d’aucune violence physique ou verbale… de quel danger êtes vous témoin pour l’accabler de telles accusations, après une disparition non expliquée de votre part. »

Cette fois, c’est lui qui aura le dessus…

Raphaël ne défroisse pas ses sourcils, son regard perdant en vivacité néanmoins. Reculant d’un pas, il finit par abaisser le visage sur le côté d’un geste plus rapide, emportant quelques longues mèches blondes devant son visage. Les propos du secrétaire l’accablent.
Sa haine était sa seule défense face à l’incompréhension et seul barrage, à la tristesse qui montait rapidement en son sein.
Ses poings se resserrent alors qu’une voix à demie étranglée passe ses lèvres frissonnantes :

« Pourriez-vous… me lire ce rapport Daniel… »

Relevant légèrement le regard, il reporte un œil dégagé sur le secrétaire et achève :

« S’il vous plait. »

Mais quelque chose d’autre tournait autour de son esprit assombrit, par ces nouvelles amères. Jérémy Johnson… un nom d’emprunt donc. Et… Aron… Hester ? Ce nom lui fit froncer les sourcils quelques secondes, il lui semblait familier.
Et brusquement, avant même que le majordome n’ait commencé à lui énoncer le rapport de la mort de l’une des membres du personnel, il revoit un visage blond et souriant, une poignée de main et une conférence. Ces quelques flashs le remette en situation et lui laissent entrevoir le pire concernant Jérémy Johnson.
C’étaient-ils reconnu, quel lien unissaintt-ils… quel mensonge tissait l’amitié qu’il avait entretenue avec ce médecin !

Le majordome laisse un regard s’éterniser sur le médecin, toujours sévère. Se penchant finalement vers son bureau il trie les rapports et détail celui de la cafétéria.
Ouvrant le dossier sur son bureau, il commence à lire :

« Rapport daté du second cycle printanier, le samedi en après midi.

Citation :

Premier témoignage détaillant la scène à 15h46 par Elwing.
-La cafétéria s’est vidée rapidement après l’entrée d’individus, je suis retourné à mon travail en salle annexe, Fanellia est restée au comptoir, semblant attendre un rendez-vous.

Deuxième témoignage à 15h58 par Elwing.
-J’ai entendu un bruit sourd et j’ai glissé la tête vers la porte pour voir ce qu’il se passait. Fanellia semblait en difficulté avec un homme dont la chaleur me chauffait le visage depuis mes positions. J’ai vu une jeune fille, enfermée dans un bloque de glace, apparaître devant le comptoir, de l’autre côté de mes positions. Je suis parti chercher de l’aide.

Troisième témoignage à 16h10 par Orgak.
Je me suis présenté à la cafétéria par la porte du personnel et moi et mes semblables avons assisté trop tard à la mort de Mademoiselle Fanellia. Nous sommes retrouvés impuissants et dominés par une aura oppressante au sein de la pièce de réception.
Un jeune garçon aux cheveux de feu tenait avec lui Fanellia dans un tourbillon de flammes, ils s’étaient embrassés et tout deux ont disparu, ne laissant derrière eux que les traces de combustion de leurs deux corps.
Pas de traces de la jeune fille au bloque glacé, pas de trace d’autres spectateurs. Les cendres ont été collectées et scellées dans un réceptacle. L’infirmerie détient aujourd’hui les restes de deux corps, dont l’un porte le nom de Fanellia.

Réajustant ses lunettes sur son nez, il remonte une attention plus attristée vers le médecin et l’observe :

« Je suis navrée. Plus aucune trace ne nous a permis de comprendre les évènements. Fanellia était mêlé à une affaire qui ne concernait pas notre école et nous n’avons pu la sauver, ignorant de la situation.
Voulez-vous savoir autre chose… Monsieur Angelo. »

Le ton de sa voix se fait plus doux.

Le médecin écoute attentivement les propos, laissant son regard se fermer, imaginant en détail la scène décrite par les témoignages de deux elfes de maison.
Se laissant lourdement asseoir sur une chaise au côté du bureau, Raphaël se retient de ses coudes à ses genoux, ses mains pendantes entre eux, l’échine accablée et le visage penché.

*Fanellia… Morte… Frost était revenu…*

Sa paume droite vient masser son visage, achevant la course de ses doigts à ses lèvres humides de larmes. Tremblant, il se cache derrière ses cheveux ambrés, une chaleur surchauffant ses joues.

*Elle m’a trompé… Elle l’a aimer depuis le début… il est partit avec Gaeline et je l’ai remplacé.
Pour finir… elle m’a embrassé dans mon cercueil pour la sauver, avant de lui donner le baiser qui les unirait dans la mort… Comment… a-t-elle… pu me faire ça.*

Pensant tout comprendre par cette liaison d’idées, il détourne le visage sa main morne glissant de ses lèvres à sa tempe opposée, retenant un sanglot.
Le silence reprend place à la suite de la question du secrétaire. Puis finalement, le médecin se redresse, le regard masqué par une ombre et quelques mèches, les traces encore fraîches de ses larmes sillonnantes sur ses joues.

« Alors… vous ajouterez à votre rapport… que le médecin Raphaël Angelo avait été tenu prisonnier sous les eaux du lac dans un sarcophage de métal… dans le secret qui devait sauver Fanellia de la mort tragique qui lui été offerte.
Effectivement, toute cette histoire dépasse de loin celle de Cairn, et ainsi, vous aurez une idée de la disparition dont j’ai fait état.

Maintenant… j’… j’aimerais reprendre mes appartements, s’il vous plait. »

Son visage chutant un instant sous le poids soudain que son cerveau lui impose, il sent une vague de fatigue le prendre. Un malaise l’envelopper.
La stase qui l’avait gardé pendant des mois n’avait pas encore rendu ses effets secondaires et la colère avait ralentis les premières.

« Gardez… mon passage ici secret. Je n’aimerais pas que Jérémy sache que je vous ai rendu visite. Pas pour l’instant. »

Daniel hésite un moment à se redresser pour tenter de réconforter le médecin… comprenant son excès de colère sans l’excuser. Ne bougeant pas de son siège, il écoute la suite des propos de Angelo et papillonne un instant du regard.

*Ha bon ?...*

Décidément, les destins s’entrechoquaient à Cairn et quelques histoires importantes pouvaient y faire échos.

« Très bien… j’en prendrais note… »

Observant le médecin vaciller il se dresse soudainement et passe derrière son bureau, venant le soutenir légèrement :

« Vous devriez déjà vous reposer. Je vais placer à votre disposition l’une des salles de détente… Je n’informerais pas Jérémy de votre arrivée, parce que vous me le demandez. Mais ne tardez pas trop à vous révéler… deux Raphaël dans une même école ne feront certainement pas bon ménage, vu les termes que vous avez employez en le citant… Et je ne veux pas de grabuge dans l’école même… compris ? »

Détournant le visage en redressant la nuque il siffle un elfe de maison, qui ne tarde pas à apparaître au détour d’un couloir. Accourant vers le couple humanoïde, il se fige au côté de Daniel comme un pique :

« Mène cet homme en salle de détente et garde le silence de sa présence. S’il désire quelque chose apporte-le lui… et je pense que vue sa mine un plateau repas spécialement sortit de la cafétéria ne fera pas de mal. Allons en route ! »

Le médecin sentit une main le soutenir, pendant l’instant qu’il avait fermé les yeux et avait eu l’impression de quitter terre. L’oreille interne soudainement chamboulée, il rouvre un regard fixe sur le sol, cherchant à se stabiliser :

« Hum… oui vous avez raison. »

Son regard chemine sur un elfe de maison, dont les mouvements rapides lui donnent la nausée. Redressant lentement l’échine, il se laisse guider et ajoute en s’éloignant du bureau :

« Pas de choses trop lourdes… juste… un citron chaud et un riz de base… je mangerais mieux plus tard… »

Sa voix s’éloigne avec l’elfe de maison et bientôt il retrouvera la salle de repos.